Choisir la stratégie appropriée
Par: Mark Stacey et Bill DeRoche • le 23 mai 2019
L’essor de la popularité des stratégies d’investis-sement factoriel a entraîné une augmentation du nombre de produits offerts par les fournisseurs d’indices et les gestionnaires d’actifs, créant l’idée fausse qu’elles pouvaient être interchangeables. En réalité, ces stratégies peuvent être appliquées dans des portefeuilles de positions acheteur (positions longues) et des portefeuilles de positions acheteur et vendeur (positions longues et courtes), avec des résultats très différents. Il est essentiel, lors de l’évaluation des stratégies factorielles, de comprendre l’objectif de rendement et les cibles de risque de l’investisseur ainsi que le rôle de la stratégie au sein de chaque type de portefeuille.
En quoi consiste l’investissement factoriel?
Un facteur désigne la caractéristique ou l’attribut d’un titre pour lequel on a établi une corrélation avec des rendements antérieurs et qui est susceptible d’influencer les rendements futurs. La première étape de l’investissement factoriel est d’identifier les « facteurs » clés favorisant des rendements supérieurs avec le temps, et la deuxième, d’évaluer et de sélectionner les titres selon ces attributs. Les facteurs communément utilisés sont la valeur, le momentum, la taille, la qualité et la volatilité.
Même si les stratégies factorielles ont attiré beaucoup d’attention au cours des dernières années, leurs principes directeurs existent depuis longtemps. Le Modèle d’évaluation des actifs financiers (MEDAF), fondé sur la Théorie moderne du portefeuille établie dans les années 1960, a été le premier modèle à décrire le marché en l’associant à un facteur de risque unique, le bêta (ou sensibilité du rendement d’un actif au rendement du marché). Le MEDAF a été élargi dans les années 1970 avec l’introduction du Modèle d’évaluation par arbitrage (MEA), qui identifie une série de facteurs de risque correspondant aux risques systématiques pour lesquels les investisseurs devraient être rémunérés. Depuis, les recherches ont démontré que la valeur, le momentum, la taille, la qualité et la volatilité étaient tous des facteurs valides.
L’investisseur qui adopte une stratégie factorielle cherche à repérer des titres dotés de caractéristiques de ces facteurs afin d’être exposé aux primes de risque, dans le but d’obtenir un rendement excédentaire ou de réduire le risque. Ainsi, il commence généralement par appliquer un modèle de sélection qui classe les titres d’un univers donné du meilleur au pire selon une ou plusieurs caractéristiques fondamentales. Ce modèle suggère les titres que l’investisseur devrait surpondérer (les premiers du classement) et ceux qu’il devrait sous-pondérer (les derniers du classement). Ces titres sont ensuite intégrés au modèle de risque, qui isole et identifie les facteurs de risque statistique de l’univers des placements, et détermine la part de risque qu’un titre apporte au portefeuille global. Un outil d’optimisation est ensuite utilisé pour établir la pondération appropriée de chaque titre en portefeuille, en équilibrant l’apport prévu du titre au rendement excédentaire, d’une part, et au risque, d’autre part. Des restrictions sont ajoutées au processus d’optimisation afin que le portefeuille établi soit bien diversifié et qu’il répond aux objectifs de l’investisseur.
Avec l’investissement factoriel, le modèle d’alpha (modèle de risque) d’un investisseur et l’outil d’optimisation peuvent rester les mêmes sur l’ensemble des stratégies; les seules différences étant les restrictions. Celles-ci déterminent l’efficacité avec laquelle l’investisseur peut appliquer son modèle à un portefeuille et sa capacité à atteindre le résultat souhaité. L’ajout de contraintes est un compromis entre l’application du modèle et le risque, la restriction la plus stricte lors de l’établissement du portefeuille étant celle de ne contenir que des positions acheteur.
Valeur
Un titre dont le cours est inférieur à la valeur intrinsèque de l’entreprise. Avec le temps, ces titres ont tendance à surperformer.
Momentum
Un titre dont la valeur s’est récemment améliorée a tendance à poursuivre sa montée.
Taille
Avec le temps, les titres à faible capitalisation ont tendance à surclasser ceux à grande capitalisation.
Qualité
Les titres de qualité supérieure ont tendance à surclasser ceux de moins bonne qualité, avec le temps.
Volatilité
Avec le temps, les titres à faible volatilité tendent à offrir un rendement supérieur à celui des titres à grande volatilité.
Comment fonctionne une stratégie de positions acheteur uniquement?
Avec une stratégie factorielle de positions acheteur, un investisseur ne détient que des titres en position acheteur dans son portefeuille. Les titres les mieux classés selon le modèle sont surpondérés par rapport à un indice de référence. Les titres les moins bien classés sont soit sous-pondérés par rapport à l’indice de référence ou sont exclus du portefeuille. Le classement est fondé sur les expositions des titres aux facteurs. Un rendement excédentaire découle d’une exposition à des facteurs censés offrir des possibilités de hausse à long terme. Le portefeuille ainsi établi sera exposé aux facteurs privilégiés par le modèle, mais le principal facteur de rendement du portefeuille sera le marché général. L’investisseur a un certain contrôle des sources de risque du portefeuille, mais la stratégie de positions acheteur restreint l’application du modèle.
Comme elle contrôle de façon plus explicite les sources de risque et de rendement du portefeuille, la stratégie de positions acheteur et vendeur peut permettre une application plus efficace d’une stratégie factorielle en éliminant l’exclusivité des positions acheteur.
Comment fonctionne une stratégie de positions acheteur et vendeur?
La différence entre une stratégie de positions acheteur et vendeur et une stratégie de positions acheteur est que la première peut aussi inclure des titres en position vendeur ou « vendus à découvert ». Le fait d’éliminer l’exclusivité des positions acheteur d’un portefeuille signifie que les titres classés comme les moins performants du modèle peuvent non seulement être sous-pondérés par rapport à l’indice de référence, ou absents du portefeuille, mais l’investisseur peut également les vendre à découvert et profiter de la dépréciation. De cette façon, le titre affiche une pondération négative efficace dans le portefeuille.
Une stratégie de positions acheteur et vendeur peut améliorer la capacité de l’investisseur à appliquer les expositions factorielles souhaitées du modèle et réduire l’exposition à d’autres risques, notamment ceux du marché. Ceci est mesuré par le coefficient de transfert, soit le degré auquel les suggestions du modèle sont activement appliquées dans le portefeuille. Un portefeuille de positions acheteur et vendeur aura un coefficient de transfert plus élevé et, en conséquence, la gestion active devrait générer une valeur ajoutée plus élevée en raison de la souplesse accrue de l’investisseur.
Avec une telle stratégie, plutôt que le marché soit le principal facteur de rendement, c’est l’écart entre les facteurs des côtés acheteur et vendeur qui contribue au rendement. Comme ces deux côtés n’agissent pas toujours à l’unisson, un gestionnaire a la possibilité de créer de l’alpha tant que les positions acheteur surpassent le rendement des positions vendeur. Grâce à cet outil supplémentaire, un investisseur est en mesure de mieux adapter le flux de revenu du portefeuille en fonction du résultat souhaité.
Même si cette stratégie est efficace en théorie, d’un point de vue pratique, l’investisseur doit prendre en compte de nombreux autres aspects avant de la mettre en œuvre lui-même ou de faire appel à un gestionnaire. Pour appliquer une stratégie de positions acheteur et vendeur, il est nécessaire d’avoir une relation de courtage d’excellente qualité et de pouvoir gérer un compte de marge, ce qui s’accompagne de frais et de complexités supplémentaires. Il existe aussi d’importantes restrictions réglementaires liées à la vente à découvert qui doivent être prises en considération. En raison de la nature complexe de ces opérations, de nombreux investisseurs choisissent de faire appel à un gestionnaire, ce qu’ils ne devraient faire qu’après avoir réalisé un contrôle diligent approprié. Sans cela, ils s’exposent à des pertes potentiellement dévastatrices. En effet, des risques considérables sont associés à la vente à découvert; un vendeur à découvert profite de la baisse du prix d’un titre, mais si le prix augmente, les pertes peuvent être en théorie illimitées et bien plus élevées que le placement initial. L’investisseur peut tenter de limiter cela en vérifiant de façon adéquate la qualité du gestionnaire pour s’assurer de son expérience et de son expertise en matière de vente à découvert.
L’investissement factoriel axé sur des positions acheteur et vendeur offre une série de stratégies visant à répondre aux différents besoins des investisseurs. Par exemple, si un investisseur souhaite s’exposer à des marchés boursiers ou à un placement avec un bêta de 1, il devrait envisager une stratégie « 130-30 ». Dans le cadre d’une stratégie 130-30, il commence avec le portefeuille de référence et affecte un autre 30 % de la valeur du portefeuille aux titres les mieux classés du modèle, obtenant ainsi une position acheteur de 130 % de la valeur du portefeuille; puis il vend à découvert les titres les moins bien classés, obtenant une position vendeur de 30 % de la valeur du portefeuille. Par ailleurs, si un investisseur cherche pour son portefeuille un produit complémentaire lui permettant d’éliminer le bêta, ou l’exposition aux risques du marché, il devra prendre en compte une solution neutre au marché. Une stratégie neutre au marché neutralise l’exposition du portefeuille au risque du marché en combinant des positions acheteur et vendeur avec une exposition au bêta à peu près identique.
On parle de « vente à découvert » lorsqu’un investisseur vend des titres qu’il vient d’emprunter, en espérant pouvoir les racheter par la suite, à un prix inférieur, et garder la différence de prix comme profit. Il peut ainsi profiter d’une baisse du cours du titre, mais aussi subir des pertes si le cours augmente et dépasse le prix d’achat initial. Une vente à découvert peut causer la perte d’une partie ou de la totalité de l’investissement initial.
Pourquoi choisir une stratégie plutôt qu’une autre?
Pour être en mesure de choisir entre les deux stratégies, il faut comprendre les objectifs de l’investisseur.
- Si l’investisseur souhaite être exposé aux marchés des actions, il devrait envisager une stratégie avec une exposition au bêta, y compris de positions acheteur uniquement ou 130-30.
- Une stratégie de positions acheteur et vendeur conviendrait à l’investisseur qui souhaite réduire son exposition au marché tout en maintenant une exposition à une série d’autres primes de risque.
- Par ailleurs, si l’investisseur cherche un complément pour son portefeuille d’actions, y compris des outils de couverture non traditionnels ou une exposition factorielle pure, il devrait envisager une stratégie neutre au marché dans laquelle le bêta est efficacement éliminé et l’exposition aux autres facteurs améliorée.
Comparaison des stratégies | |
Stratégie factorielle de positions acheteur uniquement (longues) |
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Stratégie factorielle de positions acheteur et vendeur (longues et courtes) |
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Mark Stacey, MBA, CFA
Vice-président principal, chef de la gestion des portefeuilles et cochef des investissements
Gestion de placements Highstreet
Bill DeRoche, MBA, CFA
Chef des investissements et gestionnaire de portefeuille
AGF Investments LLC
À L’USAGE DES CONSEILLERS AUPRÈS DES INVESTISSEURS
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Le présent document est destiné aux conseillers et vise à les aider à déterminer quels investissements conviennent le mieux aux investisseurs. Tout investisseur devrait consulter son conseiller financier pour déterminer quels investissements conviennent le mieux selon son portefeuille de placements et ses objectifs personnels à cet égard.
Date de publication : le 24 mai 2019.