Sous-thèmes de l’investissement durable : Alimentation durable et aquaculture
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La réduction de l’incidence néfaste sur l’environnement de l’alimentation est apparue ces dernières années comme l’un des facteurs les plus déterminants de notre bien-être futur. Selon certaines estimations, ce que nous mangeons et la façon dont nous le produisons représentent plus du quart des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale1 et se trouvent au cœur de plusieurs autres dégradations de l’environnement naturel, y compris celles liées à l’utilisation des sols et de l’eau douce, à l’eutrophisation et à la biodiversité.
Mais comme c’est le cas pour de nombreux problèmes qui valent la peine d’être résolus, le désir de créer un approvisionnement alimentaire plus sain et plus durable peut créer de nouvelles occasions pour les investisseurs au fil du temps.
Cela n’est peut-être nulle part plus évident que dans le secteur de l’aquaculture, qui représente plusieurs milliards de dollars et qui continue d’innover dans le but de réduire davantage à long terme son empreinte environnementale, qui fait partie des plus importantes, tout en profitant de la demande croissante pour ses produits finaux.
Les produits de la mer, et le poisson en particulier, ont longtemps joui de l’avantage d’être un « super aliment » riche en nutriments qui sont liés à un éventail de bienfaits pour la santé. Ils sont maintenant largement reconnus comme un meilleur choix alimentaire que le bœuf, le porc et la volaille, la trinité de la production agricole de bétail. En fait, la demande de protéines de poisson a augmenté au cours des dernières décennies, principalement en raison de la transition structurelle vers une alimentation plus saine et grâce à la hausse de la consommation par habitant dans les pays en développement. Les protéines de poisson représentent maintenant environ 16 % de la consommation mondiale de protéines2.
Mais ce qui est peut-être un peu moins compris, c’est que les protéines de poisson qui sont élevées ont tendance à être plus respectueuses de l’environnement que les sources agricoles de protéines animales, surtout lorsqu’on tient compte de certaines caractéristiques de production bénéfiques qui y sont associées. Parmi ces caractéristiques bénéfiques, il y a un seuil de consommation d’eau plus bas et une empreinte carbone globale plus faible, ainsi qu’un meilleur indice de consommation et une augmentation de la masse de viande comestible par nourriture donnée (voir la figure 1).
Figure 1

Mais ce n’est pas tout. L’aquaculture, c’est-à-dire la reproduction, l’élevage et la récolte du poisson, est également considérée comme un remède de choix pour d’autres problèmes environnementaux, comme la surpêche et l’épuisement de la population de poissons sauvages qui en résulte. À l’heure actuelle, la pêche sauvage représente environ la moitié de l’offre mondiale de produits de la mer, mais sa part du total a considérablement diminué au cours des dernières années et devrait continuer de décliner, car davantage de mesures sont prises contre la surpêche afin de remédier aux problèmes connexes, comme la diminution croissante du volume de l’océan et de la biodiversité dans son ensemble, ainsi que le réchauffement des températures mondiales, qui entraîne une augmentation de la migration des poissons.
La Banque mondiale a, par exemple, recommandé de réduire la pêche sauvage d’au moins 5 % par année au cours des dix prochaines années afin que les populations de poissons sauvages puissent augmenter pour atteindre des niveaux viables. Par ailleurs, le Panel océanique, formé en 2020 par 14 pays, dont le Japon, la Norvège, le Canada, le Chili et l’Indonésie, s’est engagé à rétablir les stocks de poissons sauvages dans les océans et à les récolter à des niveaux viables d’ici 2030.
Élever plutôt que capturer : L’évolution de la pisciculture
Comme nous l’avons mentionné, les poissons proviennent maintenant presque en parts égales de la capture sauvage dans les plans d’eau naturels (capture de poissons) et des poissons qui sont élevés dans un environnement plus contrôlé (culture de poissons). Toutefois, étant donné les contraintes de viabilité qui pèsent sur la capture de poissons, le courant est fortement en faveur de la culture de poissons pour devenir le principal fournisseur de poissons, étant donné que la demande mondiale pour les deux continue de croître.
Entre autres choses, cela devrait se traduire par une augmentation importante de la quantité de poissons d’élevage consommée à l’échelle mondiale. En effet, selon certaines estimations, cette quantité devrait augmenter de 50 % au cours des 20 prochaines années (voir la figure 2). Mais cela pourrait aussi entraîner un élargissement du secteur de l’aquaculture, qui est aujourd’hui fortement consolidé, puisque 89 % des quelque 82 millions de tonnes de poisson d’élevage consommées annuellement (d’une valeur approximative de 250 G$ US) sont produits par les trois principaux pays aquacoles du monde.
Figure 2

Source : Données historiques de 1950 à 2016 : FAO (2019b) et FAO (2018). Prévisions jusqu’à 2050 : Calcul effectué par WRI; hypothèse d’une réduction de 10 % de la pêche sauvage d’ici 2050, par rapport aux niveaux enregistrés en 2010, et d’une croissance linéaire de la production aquacole de l’ordre de 2 Mt par an, entre 2010 et 2050. World Resources Report, juillet 2019.
Cependant, le secteur de l’aquaculture n’est pas sans difficulté, ni irréprochable. Il présente, lui aussi, des lacunes en matière de viabilité qui menacent de miner son potentiel de croissance si rien n’est fait.
Pour commencer, dans certains marchés non réglementés, les fermes piscicoles ont donné lieu à la coupe à blanc des palétuviers, ce qui a entraîné une perte de biodiversité dans les régions environnantes. Le secteur doit également composer avec les préoccupations concernant l’utilisation excessive d’antibiotiques pour la santé des poissons, et la viabilité de leur nourriture, fortement dépendante de la capture de poissons.
De plus, il y a la question des effluents piscicoles qui peuvent polluer l’eau et perturber les écosystèmes fragiles. Puis, il y a les difficultés liées à l’évasion des poissons qui survient habituellement lorsque les enclos à poissons subissent des dommages structurels causés par les conditions météorologiques, océaniques et d’autres défaillances. Dans ce cas, les poissons d’élevage qui s’échappent ont une incidence sur la biodiversité des océans, non seulement parce qu’ils entrent en compétition avec les espèces sauvages pour les ressources naturelles, mais aussi parce qu’ils s’accouplent avec les espèces sauvages, ce qui modifie génétiquement la population de poissons indigènes et réduit leur capacité d’adaptation.
Il ne fait aucun doute que ces problèmes sont graves, mais le secteur de l’aquaculture continue de montrer une volonté d’atténuer ces risques, ainsi que d’autres, tout aussi préoccupants, grâce à de nouvelles techniques et technologies qui peuvent limiter leur incidence négative.
La salmoniculture est, à cette fin, peut-être l’exemple parfait de la façon dont l’ingéniosité peut aider à résoudre plus d’un problème. Bien qu’elle ne représente qu’environ 3 % de la consommation mondiale de poisson, elle est apparue au cours des dernières décennies comme l’une des formes de pisciculture les plus avancées au monde et est prête à bénéficier d’investissements.
Ce succès est en grande partie attribuable à l’engagement du secteur de la salmoniculture à l’égard de la santé animale et à son penchant pour des techniques, des technologies et des infrastructures de reproduction novatrices, qui sont nécessaires pour aider à surmonter les contraintes d’approvisionnement persistantes, tout en s’attaquant à bon nombre des problèmes liés à la viabilité auxquels le secteur est confronté.
Par exemple, la plupart des élevages de saumon de l’Atlantique sont actuellement effectués à l’aide d’enclos installés dans des plans d’eau naturels ouverts. Toutefois, en l’absence de nouvelles solutions novatrices, il est difficile de reproduire cette approche dans les régions plus chaudes du monde, étant donné la propension naturelle du saumon à prospérer dans des eaux froides dont la température se situe
entre 12 et 14 degrés Celsius.
De même, le secteur continue de composer avec le problème du pou de mer, une maladie grave qui entraîne souvent d’importantes pertes en poids éviscéré du poisson récolté.
Alors, quelles sont exactement ces « solutions »? Deux possibilités qui promettent de régler, du moins en partie3, les problèmes environnementaux auxquels est confrontée l’industrie de la salmoniculture, tout en stimulant la croissance future de l’offre, comprennent des systèmes de recirculation terrestres et d’autres progrès dans la salmoniculture marine.
Systèmes de recirculation terrestres
De ces deux possibilités, la première est facilement l’approche la plus novatrice pour la salmoniculture traditionnelle, où les poissons d’élevage restent habituellement dans des viviers terrestres pendant environ 18 mois avant d’être transférés dans un environnement marin où ils restent jusqu’à ce qu’ils soient récoltés.
Dans les systèmes d’élevage terrestres, le saumon vit tout le long de son cycle de vie dans des viviers terrestres grâce à des technologies d’écoulement qui filtrent, traitent et recyclent l’eau pour atténuer les problèmes souvent associés aux viviers, comme les déchets de poisson, la pollution de l’eau, l’empoisonnement par sulfure d’hydrogène et le surpeuplement.
Les taux d’oxygène, de dioxyde de carbone et d’ammoniac dans les viviers sont également constamment surveillés, permettant ainsi de produire des poissons plus sains et de meilleure qualité. De plus, compte tenu de l’environnement contrôlé utilisé pour la pisciculture terrestre, de nombreux aquaculteurs affirment que l’utilisation d’antibiotiques ou de pesticides est inutile pour la gestion des maladies.
À l’inverse de ces avantages, les systèmes terrestres peuvent être plus énergivores que la salmoniculture marine traditionnelle à cause de l’exploitation intensive d’appareils de recyclage de l’eau et de systèmes de refroidissement et de ventilation. Cela dit, il y a toujours un avantage environnemental net attendu si l’on tient compte du fait que les élevages terrestres sont plus près des marchés finaux. Après tout, comme 90 % du saumon est consommé frais (et 10 % congelé), la logistique de la chaîne d’approvisionnement du saumon marin est fortement tributaire de l’industrie du fret aérien qui génère beaucoup d’émissions.
Systèmes de recirculation terrestres

Salmoniculture marine
À défaut des avantages associés aux systèmes terrestres, l’amélioration de l’offre et du profil de viabilité du poisson d’élevage sera largement tributaire des nouvelles techniques de pisciculture marine au cours des prochaines années. L’un des principaux moyens d’améliorer le profil de viabilité global consiste à adopter des solutions de rechange à base de plantes, d’algues ou d’insectes pour remplacer la nourriture du poisson qui dépend trop du poisson sauvage pour les ingrédients constituant l’huile et la farine de poisson. La reproduction et la génétique des poissons constituent également une étape importante vers l’amélioration des taux de croissance, de l’efficience alimentaire et d’autres mesures de santé et de qualité. En particulier, nous croyons que la sélection génomique et la reproduction sélective joueront un rôle déterminant dans la réduction de l’utilisation des agents antimicrobiens à l’avenir.
Analyse de la chaîne de valeur
Compte tenu de tout cela, de la demande croissante à l’engagement ferme à éliminer les contraintes d’approvisionnement et à limiter les dommages sur l’environnement, les investisseurs peuvent profiter des occasions créées par l’industrie salmonicole de plusieurs façons. Voici six catégories dans la chaîne de valeur à prendre en compte :
Les producteurs de saumons : L’apparition des systèmes terrestres devrait combler les lacunes en matière d’approvisionnement et démocratiser la salmoniculture, car la demande à long terme continue de surpasser la croissance du PIB mondial et se traduit par une hausse des prix au fil du temps. Cela dit, les occasions liées aux activités terrestres n’ont pas été entièrement libérées des risques et pourraient donc comporter de nombreux risques d’exécution, comme les pannes d’équipement, qui surviennent souvent lorsque les technologies en sont à leurs débuts.
Les producteurs de nourriture pour poisson durable : Des sociétés novatrices qui travaillent à l’élaboration de nourriture de remplacement à base de plantes, d’algues et d’insectes afin de réduire la dépendance à la capture de poissons devraient tirer parti de la transition générale vers une consommation de protéines plus durable et accroître leur participation dans un marché qui représente de 40 à 50 % des coûts incorporables d’une ferme aquacole typique. L’échelle de production sera toutefois un obstacle important à l’adoption complète des aliments de remplacement au cours des prochaines années.
Les fournisseurs de technologie et d’équipement de production : À mesure que le secteur des produits de la mer opère une transition vers la pisciculture, les systèmes d’aquaculture finiront par remplacer les actifs de pêche. L’augmentation de la demande pour les systèmes de recyclage de l’eau, les technologies de surveillance sous-marine et les écloseries devrait continuer avec l’émergence des systèmes terrestres, en particulier.
La santé des poissons : Les vaccins pour les poissons et les traitements contre les maladies comme le pou de mer représentent l’un des segments de l’industrie de la santé animale qui connaît la croissance la plus rapide et pourraient avoir encore davantage de possibilités de croître compte tenu de la décision d’interdire l’utilisation d’antibiotiques dans l’ensemble de l’industrie.
La gestion des déchets de poisson : Dans les systèmes terrestres, des systèmes de filtration avancés sont déployés pour retirer les effluents de poissons des bassins. De plus, la biomasse issue de la transformation du poisson est recueillie et pourrait constituer la base de produits utiles comme les engrais et les biocarburants. Par conséquent, les occasions pour les sociétés de gestion des déchets de poisson et de transformation des déchets en carburant augmentent.
Les entreprises axées sur la reproduction et la génétique : L’accent qui est mis sur le rendement et les solutions de rechange pour lutter contre la résistance aux agents antimicrobiens devrait créer des occasions de croissance pour les entreprises axées sur la reproduction ou la création génétique d’œufs de poisson d’élite résistants à certains agents pathogènes.
Qu’en est-il des protéines de poisson d’origine végétale?
Le marché des produits de la mer d’origine végétale en est à ses débuts, en particulier comparativement au segment des viandes d’origine végétale, qui a fait l’objet d’un grand déploiement de capitaux et d’une attention médiatique généralisée. Toutefois, plusieurs entreprises en démarrage innovent dans ce domaine, car elles cherchent à offrir le même goût, la même texture, la même qualité et la même nutrition que le poisson.
Comme la viande d’origine végétale, la principale source de protéines provient habituellement des pois, des lentilles, du soja et du blé, avec des combinaisons et d’autres ingrédients essentiels pour le goût et la nutrition. Cependant, contrairement aux protéines végétales, pour lesquelles la réduction des émissions de carbone est l’un des principaux objectifs, les avantages environnementaux de la technologie du poisson d’origine végétale se rapportent davantage au maintien des écosystèmes naturels qu’à la réduction des émissions de carbone, qui demeure néanmoins un avantage secondaire.
Nous croyons que cette catégorie retiendra davantage l’attention, en particulier à mesure que les organismes de réglementation commencent à délaisser les changements climatiques pour se concentrer sur des domaines comme la biodiversité et l’intégrité des écosystèmes, qui font déjà l’objet de discussions au sein de l’Union européenne.
Conclusion
À notre avis, le désir d’assainir l’environnement naturel mondial est devenu une priorité pour les investisseurs ces dernières années, mais seules les mesures qu’ils prendront à l’avenir feront une réelle différence. À cette fin, l’aquaculture n’est peut-être pas une panacée pour tous les maux qui affligent l’industrie alimentaire mondiale, mais elle n’en représente pas moins l’une des meilleures façons d’assurer une alimentation plus saine et plus durable à l’avenir et offre un ensemble unique d’occasions de placement dans l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement. Bien que la sélection demeure essentielle, la hausse de la demande mondiale combinée aux innovations technologiques pour surmonter les contraintes liées à l’offre et à la durabilité devrait se traduire par l’expansion des occasions de placement au fil du temps.
1 Article : Reducing food’s environmental impacts through producers and consumers. Publié dans Science, volume 360, numéro 6392, juin 2018.
2 Source : Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
3 Ces deux possibilités offrent des occasions de relever certains des défis mis en évidence. Toutefois, concernant la salmoniculture marine, les préoccupations à l’égard du pou de mer ne sont que partiellement atténuées et des problèmes plus vastes, comme l’évasion des poissons et l’incidence sur la biodiversité ne sont essentiellement pas atténués.
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Date de publication : 14 mai 2021.